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Proposition d’une cartographe contributive : Riposte Alimentaire Bretagne
7 décembre 2020, par Michel Briand — Innovations sociales en BretagneEn Bretagne, des centaines d'initiatives de personnes, d'associations, de collectivités contribuent à une alimentation plus saine, écologique et solidaire.
Voici une proposition pour contribuer à la mise en réseau, en coopération ouverte (tout le monde peut contribuer, tous les contenus sont réutilisables) des initiatives autour de la résilience alimentaire en Bretagne
Durant le premier confinement, nous avons initié avec Benoit Vallauri Riposte Creative Bretagne espace pour donner à voir les initiatives de solidarité et de riposte face à la crise.
Sur ce wiki en écriture ouverte 435 fiches initiatives ont ainsi été co-produites et géolocalisées, des solidarités de quartier, circuits courts aux initiatives des makers.
Une dizaine de ces "Ripostes" ont vu le jour, à la suite du Riposte creative territoriale de la direction innovation du CNFPT que nous avons accompagné avec Laurent Marseault.
En septembre, des acteurs de la résilience alimentaire [1]. (Crisalim) nous ont sollicité pour créer une nouvelle famille de "Ripostes" les Ripostes alimentaire.
résilience définition
En novembre, (cf la rencontre des riposte), Riposte alimentaire et des ripostes régionales ont vu le jour dans le Val d'Oise et sur le grand lyonnais (2 ou 3 autres sont en projet).
Voici les intentions de cet espace (repris du site Riposte Alimentaire)
"La crise du COVID-19 a donné une nouvelle visibilité aux enjeux d'approvisionnement alimentaire et d'autonomie des territoires, avec par exemple des supermarchés vides et des agriculteurs contraints de trouver de nouveaux débouchés dans un contexte de fermeture des écoles, des restaurants et des frontières.
Pourtant, de nombreuses initiatives agricoles et alimentaires existent, certaines depuis des années, pour alimenter le territoire et agir en faveur d'une production et d'une consommation plus saine, écologique et solidaire.
Ensemble, rendons visibles et tissons entre elles les initiatives nouvelles et existantes pour une alimentation saine, durable, de proximité et accessible au plus grand nombre !
Cet espace a pour but de :
• cartographier les initiatives existantes en matière d'agriculture et d'alimentation durable, ainsi que les initiatives de solidarité nées de la crise et toujours actives,
• partager des récits et ressources globaux
• exprimer des besoins alimentaires locaux prenant notamment en compte les personnes en situation de précarité ou de fragilité,
• identifier les coopérations et mutualisations possibles entre acteurs, individus et collectifs, en faveur d'une transition écologique et solidaire du territoire."En regardant les fiches que nous avions collectées en Bretagne, plusieurs dizaines relevaient des circuits courts et d'une alimentation plus durables apparaissent maintenant dans un espace "Riposte Alimentaire Bretagne" et participent à ce réseau naissant.
Aujourd'hui cet espace comprend
quelques dizaines de fiches "anciennes" reprises de la collecte du premier confinement ;
des fiches inspirations que nous avions aussi initiées en juin sur des initiatives inspirantes pour un après différents de l'avant (cf Bruno Latour) ;
une page récits alimentée (via un flux rss) par les publications de Bretagne Creative sur la résilience alimentaire et complétées de liens mis sur la page du wiki.
Cet espace est une proposition de mise en réseau, en coopération ouverte (tout le monde peut contribuer, tous les contenus sont réutilisables en licence CC by sa par défaut) ;
mais- est ce que cela correspond à un intérêt d'autres acteur.ice.s de la résilience alimentaire en Bretagne ?
- qui voudrait participer à cette initiative ?
- quelles infos d'autres réseaux accepteraient d'être réutilisés (ou de réutiliser celles de Riposte Alimentaire Bretagne) ?
Il n'y pas d'autre enjeu que celui d'un contribution à la convergence des initiatives, à la valorisation de celles et ceux qui s'impliquent dans la résilience alimentaire.
S'il y a quelques personnes intéressées je proposerai un petit échange sur le PPPPP "prochain plus petit pas possible" de coopération à la mesure du temps et de l'envie de chacun.e.
Si ce n'est pas le cas, cela aura été un espace éphémère, qui verra peut-être le jour sous une autre forme plus tard…
Merci de votre retour et d'un relais vers des personnes susceptibles d'être intéressées.
Note : Riposte Créative Bretagne et Riposte Alimentaire Bretagne sont portés par quelques personnes dans un esprit de "communs", sans lien avec une organisation et pour le moment sans financement mais ouvert à des coopérations, des partenariats avec des réseaux et structures impliqués dans la résilience alimentaire en Bretagne.
Bien cordialement
[1] La résilience est la capacité d'un système à revenir à son état d'équilibre suite à un choc. Il faut donc préciser le choc dont on parle (et la manière dont on évalue ce système, ce à quoi on s'intéresse). Cela amène à s'interroger sur la vulnérabilité (les fragilités) du territoire, mais aussi à évaluer sa capacité d'adaptation (sa flexibilité, son auto-organisation) définition reprise du projet Résilience des territoires porté par l'Ademe
Voir en ligne : http://www.bretagne-creative.net/ar... -
CONFIFAB, la formation PAPIFAB confinée et à distance "lumineuse" : ça va clignoter !!!
7 décembre 2020, par S. Malgorn — PAPIFabs à BrestPour découvrir, s'initier et concevoir des animations autour de la fabrication numérique
Ces temps sont ouverts aux médiateurs-trices numériques des PAPIs qui animent ou souhaitent animer des projets d'animation autour de la fabrication numérique dans leur structure auprès de leur public. Ils sont animés par Antony Auffret des petits Débrouillards et se déroulent dans les PAPIFABs et FABLABs brestois.
Tout un programme : Des idées pour illuminer ses fêtes de Noël et pourquoi pas fabriquer des cadeaux. Comment s'amuser avec les led's !!Venez nous retrouvez à notre : Prochain rendez-vous Jeudi 10 décembre à 9h30 .
Qu'est-ce qui peut bien se préparer pour le prochain CONFIFAB, la formation PAPIFAB confinée et à distance. Séparés par la distance nous serons en lien par les objets que nous manipulerons !!!
Vous êtes intéressé-es, contactez nous !
Nous vous expliquerons comment nous rejoindre et obtenir le matériel pour l'atelier.Solenn Malgorn : solenn.malgorn@mairie-brest.fr
Florence Morvan : florence.morvan@mairie-brest.fr -
Ocean Hackathon : la finale internationale en ligne !
6 décembre 2020, par a-brest — Initiatives à BrestToutes les informations en ligne sur le site du Campus mondial de la mer.
Voir en ligne : http://www.tech-brest-iroise.fr/Act... -
Entretien avec Divina Frau-Meigs- Les infox : savoir analyser, interpréter et réagir
6 décembre 2020, par Hélène Mulot — Biens communs“Faut-il avoir peur des fake news” est le titre d'un de vos récents ouvrages ? Or on peut avoir peur de ce qu'on ne connaît pas. Comment définissez-vous les fake news ?
Les infox —puisque c'est ainsi qu'il faut les appeler en Français (j'aime bien le néologisme, qui est une heureuse trouvaille entre fausseté et intoxication) sont un complexe toxique. Côté format, elles se résument en « trois F » : elles se présentent comme des actualités avérées mais elles sont factuellement falsifiées, frelatées et factices (avec l'arrivée du deepfake). Côté contenu, elles sont fortement corrosives car elles jouent sur les ambiguïtés entre plusieurs genres qui se résument en « trois P » : la parodie, la propagande et le piège à clic. Côté mécanisme, ce sont « trois V » : vitesse, viralité et virulence car l'intention de nuire est patente. La somme de ces trois « FPV » est exponentielle et dommageable pour l'intégrité de l'information et l'intégrité de nos processus démocratiques.
Quel est le rôle selon vous des médias sociaux dans ce phénomène des infox ?
Les médias sociaux jouent un rôle dans le mécanisme « trois v » : grâce à leur agilité, les infox peuvent se propager à grande vitesse (entre 2 à 4 heures pour s'amplifier exponentiellement), se viraliser par des modes de communication comme les like, les commentaires, etc et devenir virulentes lorsqu'elles rencontrent une audience sensible à son contenu, comme dans les communautés complotistes et les chambres d'écho extrémistes et radicalisées. Les réseaux sociaux, en outre, transforment chaque internaute en un potentiel propagateur d'infox car la viralité ajoute la complicité des usagers à la duplicité des manipulateurs. L'appât du gain peut jouer également, car certains internautes peuvent être incités à créer et diffuser des infox pour se faire de l'audience et générer ainsi du trafic et du profit (2000 abonnés Instagram = 5 euros). C'est un des effets secondaires inattendus et des dommages collatéraux du contrat de partage propre aux médias sociaux qui a surpris même leurs inventeurs, pour qui accroître les conversations interpersonnelles était un avantage démocratique et émancipateur.
De manière encore plus large, les infox sont-elles un danger pour la démocratie ?
Les infox sont devenues un danger pour la démocratie car elles ont mis à mal l'intégrité de l'information avérée d'une part et l'intégrité des élections d'autre part. Elles ont révélé leur capacité de nuisance lors de scandales tels que Cambridge Analytica, où la capacité massive de traçage, profilage et ciblage des individus est apparue ainsi que la capacité pour des puissances étrangères de faire de l'ingérence dans les élections des Etats-Unis, en 2016. Depuis il est apparu que certains groupes extrémistes et certains pays anti-démocratiques ont monté des opérations de taille industrielle (on parle d'usines à trolls !) pour désinformer certaines populations dans les états démocratiques et soutenir en leur sein les éléments les plus extrémistes et les plus polarisants.
La polarisation de l'opinion et la radicalisation des points de vue vise à empêcher le dialogue démocratique de fonctionner en enfermant chaque groupe dans sa sphère et en brisant la confiance dans les institutions (dont l'école) et les organismes de médiation (dont les médias) caractéristiques de la démocratie. La caractéristique des états non-démocratiques est, outre la censure des médias, de mettre certains individus autoritaires au pouvoir (des hommes forts —vous remarquerez l'absence de femmes !) au détriment des institutions et des médiateurs, et de les y maintenir bien au-delà de tout mandat électoral, comme on le voit en Russie, en Turquie et en Chine avec des modifications drastiques de l'appareil d'Etat.
Que peut faire l'école face à ce danger démocratique ? Et plus particulièrement quel rôle peuvent avoir les professeurs et professeures documentalistes ?
Les attaques contre l'intégrité de l'information caractéristiques des infox sont très graves car elles sèment le doute chez certains individus : les moins formés. Les infox deviennent des réalités alternatives dans des populations peu ou mal éduquées, en situation d'illettrisme et d'illectronisme, c'est-à-dire sans maîtrise suffisante pour être autonomes et capables d'interpréter et de prendre des décisions à partir de l'information reçue. Pour peu qu'une population soit fragilisée en outre, par le sentiment d'abandon des élites, la désindustrialisation, le chômage ou la baisse des services publics, elle devient un terreau fertile pour le populisme et la polarisation, en attente d'un homme fort « providentiel ». Une infox du type platiste prend racine dans des croyances religieuses remettant la connaissance scientifique en question par exemple. Un infox de type complotiste se nourrit d'un doute chronique sur le détournement des institutions par une élite mondialisée et tentaculaire.
Face à cela, l'école est un rempart … si elle ne devient pas un bunker (en laissant les parents, les médias et les téléphones à sa grille). Elle peut se donner les moyens d'apporter des éclairages sur la situation causée par la désinformation. Les professeurs documentalistes ont un rôle à jouer car leur formation les forme à respecter l'intégrité de l'information et de la documentation (c'est souvent les fichiers numériques qui sont truqués par les désinformateurs). Ils sont à même de mettre en scénarios pédagogiques des séances où la recherche et la vérification d'information sont valorisées auprès des élèves. Je déplore leur invisibilisation actuelle par le Ministère de l'éducation alors qu'ils constituent une ressource présente, active, qui se met à jour régulièrement et peut travailler en tandem avec des journalistes et des enseignants d'autres disciplines. Je regrette aussi que l'ECM soit devenu un enseignement à part entière alors que l'EMI reste une « éducation à »… donc une variable d'ajustement. L'inaction en la matière et le décrochage entre EMC et EMI risquent d'avoir un coût démocratique sur le long terme. Il est urgent de former à la citoyenneté numérique tous azimuts.
Vous coordonnez un projet d'envergure européenne nommé Youcheck ! dans le cadre duquel un outil de fact-Cheking InVID-WeVerify est développé en lien avec l'AFP. Quelles sont les ambitions d'un tel projet mené dans des lycées européens (France / Espagne / Roumanie / Suède) ? La multiplication de ce type d'outil de fact checking vous semble-t-il une ou la solution pour lutter contre les infox ?
Ce projet a pour ambition de faire sortir un outil professionnel comme InVID-WeVerify de la sphère des journalistes pour le rendre accessible à d'autres professionnels, comme les enseignants. Nous travaillons d'ailleurs avec les profs-docs de la région de Toulouse en France pour ce projet car ils ont répondu à l'appel avec une grande appétence et un réel enthousiasme. Nous avons donc créé un plan de cours sur la désinformation dans lequel l'outil InVID est introduit dans la classe comme une des solutions. Il s'avère toutefois qu'il est d'usage lourd et compliqué dans les établissements (certains ne laissent pas avoir accès à YouTube par exemple) et que les professeurs ne souhaitent pas se transformer en fact-checkeurs, ce qui est tout à fait compréhensible. Nous avons fait ce retour à la communauté d'InVID-WeVerify qui a réagi immédiatement en créant une banque de données d'infox « débunkées », fournissant ainsi toutes sortes d'exemples prêts-à-l'usage pour les enseignants désirant s'en emparer. Du coup la complémentarité des besoins entre les deux professions s'est révélée fructueuse.
J'ai confiance que ces outils de fact-checking vont proliférer dans les années à venir et qu'ils vont devenir de plus en plus conviviaux et carrément se transformer en applis téléchargeables sur ordinateur ou smartphone. Ils feront partie de la panoplie des outils de contrôle à disposition des usagers, au même titre que les alertes antivirus.
Mais la leçon EMI de cette expérience est bien que l'entrée par l'outil n'est pas la préférée des enseignants : ils souhaitent mettre l'outil dans un contexte qui donne du sens à l'action des élèves, en sollicitant leur bon sens critique et en pointant du doigt tous les ressorts de la crédulité et de la crédibilité. Avoir un outil à disposition sans expliquer les mécanismes de la désinformation (les trois FPV, pour aller vite) peut rassurer sur le court terme mais ne donne pas la maîtrise de l'information et de la désinformation sur le long terme et ne sollicite pas les moyens rhétoriques et cognitifs pour réagir et produire des contre-discours, un des enjeux citoyens de l'EMI. A Savoir*Devenir, nous parlons de « prendre de l'AIR » (AIR pour Analyser, Interpréter, Réagir) !
Savoir*Devenir est le nom de votre association. Elle est adossée à la chaire UNESCO Savoir*Devenir située à l'université Sorbonne Nouvelle. L'école développe et enseigne traditionnellement des savoirs, savoirs être et savoirs faire. Que peut on mettre derrière ce savoir devenir ?
J'ai avancé la notion de savoir devenir lors d'une discussion avec la commission française pour l'UNESCO. Elle visait à faire comprendre la nécessité de savoir se projeter dans un avenir numérique, en maîtrisant les cultures de l'information (comme médias, documents et data). Les 4 piliers de l'éducation —savoir être, savoir faire, savoir apprendre, savoir vivre ensemble,—avaient été posés par le rapport Delors de 1996, L'éducation : un trésor est caché dedans (quel beau titre !). C'était juste avant l'arrivée de l'informatique commerciale dans la vie quotidienne et dans l'école. Il fallait donc procéder à une actualisation pour l'ère numérique, un désir d'avenir en quelque sorte !
Le 5e pilier, savoir devenir, prend en compte nos fonctions cognitives, telles qu' augmentées par les fonctionnalités numériques : la mise à jour de soi (le bouton « actualiser » sur nos sites), la modélisation de solutions possibles par le jeu (les simulations interactives ou dataviz par exemple) et la curation d'intérêts multiples tout au long et au large de la vie (les applis telles que Pearltrees par exemple, pour faire un petit cocorico français, et souligner la belle métaphore de « l'arbre à perles » !). Au bout de ce processus augmenté par le numérique, l'individu déploie son e-présence et se sent en capacité de s'engager dans les incertitudes de la vie actuelle, où les changements climatiques, les risques pandémiques le disputent aux avantages d'un accès démocratisé et encyclopédique à la connaissance.
Pour y arriver, il faut un appareillage conceptuel et méthodologique à mettre à disposition des enseignants, quelle que soit leur discipline, pour qu'ils puissent être dans la logique d'éduquer leurs élèves aux médias et à l'information. D'où l'adossement du savoir devenir à mes travaux sur la translittératie. Je définis celle-ci comme la convergence entre les littératies multimédias (lire, écrire, calculer, filmer, coder, visualiser, trier, publier…) et les processus d'info-communication avec leurs nouveaux répertoires de stratégies en ligne (naviguer, éditer, jouer, échantillonner, versionner, fenêtrer, mixer, agréger, réseauter…). Il s'agit bien d'articuler la translittératie au savoir devenir comme capacité projective, où les apprenants s'approprient le potentiel informationnel des environnements distribués mis à leur disposition.
Il en découle alors des processus cognitifs qui peuvent être déclinés en compétences, comme l'engagement (motivation, participation), l'anticipation (modélisation, jeu), l'interprétation (évaluation, mobilisation des aptitudes), la réflexivité (pratiques accumulées, auto-évaluation, mise à jour) ou encore la co-construction (création de contenus : curation, agrégation, commentaire)
Comment cela s'applique-il dans le cadre de l'école ? Auriez vous une séance type autour des infox à nous conseiller ? Quels aspects en particuliers vous semblent indispensables à enseigner pour notre profession ?
Cela peut sembler abstrait mais cela se prête à beaucoup de situations. Les troubles de l'information actuels par exemple. Avec Youcheck, on se voit en train de reprendre les contours d'une littératie visuelle qui reprend des éléments de savoir devenir : pour l'actualisation, il s'agit de s'approprier tous les éléments de comparaison et de latéralisation, pour la modélisation, il s'agit de s'appuyer sur les fonctionnalités des outils de vérification, pour la curation il s'agit de s'amuser à collecter des perles d'infox et de les organiser en typologies diverses et variées, avec leurs mécanismes, leurs acteurs et leurs motivations, par exemple. Du coup on peut imaginer des séances autour de diverses étapes pour prendre de l ‘AIR…(Analyser, Interpréter, Réagir)
A votre avis, comment pourrait-on s'y prendre à l'école pour diffuser une information qui soit porteuse de bien être et de sens ?
En ce sens, le savoir devenir est porteur de bien-être en ligne, en connaissant les risques et récompenses d'une telle implication. Mais cela ne s'improvise pas. Civiliser le numérique reste encore à faire, et pas seulement au sens de le réguler comme on essaie de le faire avec des lois sur la désinformation ou le discours de haine…Il faut oser se projeter dans la vision d'un vivre ensemble connecté alors que le rétrécissement de la planète et des ressources alimente les peurs et les égoïsmes et inspire les autoritarismes. C'est en cela qu'il faut défendre une EMI à l'européenne, proche des principes des droits de l'homme. notamment la dignité (article 1), la vie privée (article 12), la liberté d'expression (article 19) et la participation (article 27).
C'est pour cela que l'EMI peut nous aider à penser le 1er curriculum du XXIe siècle, les compétences et connaissances dont nous avons vraiment besoin pour être en maîtrise des enjeux qui nous attendent. Il faut prioriser l'environnement, la santé et les cultures de l'information. C'est crucial et cela demande un sursaut politique collectif, dont on ressent les frémissements pendant cette pandémie, où les appels à « penser le monde d'après » ou à « imaginer la nouvelle normalité » sont nombreux. C'est une opportunité à saisir, tous ensemble.
Nous remercions Divina Frau-Meigs pour la précision et la qualité des réponses apportées.
Voir en ligne : http://docpourdocs.fr/spip.php?arti... -
J’ai fait un rêve
6 décembre 2020, par Aline Bousquet — Biens communsJ'ai fait un rêve, un drôle de rêve cette nuit.
J'ai rêvé que mon Ministre m'annonçait personnellement, lors d'une grande cérémonie officielle, dans la cour de mon collège, que mes heures d'enseignement n'étaient plus dans la Dotation Horaire Globale.
Autour de nous, mes collègues faisaient cercle, habillés comme en 2020, scandant d'une voix monotone et robotique, index tendu vers moi :« de part la nature de ton travail, tu n'es pas professeur ».Heureusement, cela n'était qu'un rêve.
La salle des profs est pleine, comme toutes les rentrées. On se fait la bise, on raconte les vacances et on râle d'avoir deux journées de pré-rentrée alors que l'autre bahut, dans la ville d'à côté, n'en fait qu'une seule.
Ma collègue prof doc, fane de mangas et d'IA, me raconte avec excitation ses envies de projets de cette année. Nous nous entendons bien. Elle, elle aime les 4° et 3°, accros au numérique. Moi, je préfère les plus petits, je les trouve plus spontanés, ils ont moins peur du regard des autres et leur cerveau est moins influencé par les hormones. Nous allons de collègue en collègue, parlons vacances, discutons envies, grognons des frustrations propres au métier de professeur.
Depuis que notre enseignement en EMI est reconnu et qu'il est inclus dans la DHG, le regard des collègues a changé. D'ailleurs, il fut un temps où nous les nommions « collègues disciplinaires », vocabulaire oublié depuis que nous sommes une discipline.Les débuts ont été difficiles. Il a fallu bien communiquer et rassurer.
Certains collègues pensaient que nos 10h d'enseignement seraient déduits de l'enveloppe et donc pris sur leur discipline et qu'ils devraient compléter leur temps plein dans un autre collège. Lorsqu'ils ont constaté qu'il n'en était rien, que l'enveloppe était augmentée d'1h d'EMI par classe, leur regard a changé. L'Education Nationale a compris l'importance de l'EMI après l'assassinat du professeur d'histoire géographie, Samuel Paty. Il a aussi pris la mesure de l'urgence d'un vrai enseignement des médias et de l'information après la COVID 19 et de toutes les fausses informations qui ont circulé. L'ampleur gigantesque de la tâche leur était alors apparue d'un coup tandis que nous, les professeurs documentalistes, enseignants d'information, nous l'avions évaluée, anticipée, murie, défrichée depuis déjà plusieurs années. Nous, nous étions prêts. L'inquiétude des journalistes devant cette nouvelle discipline qui risquait de les remettre en cause tranchait alors avec notre calme face à la tâche passionnante qui nous attendait. Nous regardions alors d'un œil amusé leurs frénétiques interventions dans les médias. Même les décodeurs du Monde se demandaient si leur outil « Décodex » allait survivre à notre entrée officielle dans les enseignements obligatoires. Voici que d'un coup, les journalistes n'étaient plus les seuls à être capables d'évaluer la fiabilité informationnelle et que des millions de jeunes allaient avoir un enseignement sur un temps long leur permettant d'être enfin libres dans leurs prises de décisions et jugements. Finalement, qu'y-a-t-il de pire pour les médias que d'avoir des usagers critiques et éduqués, capables de remettre en cause le fond et la forme de leurs informations publiées ?Ainsi, en février 2021, j'avais constaté avec excitation que 16h étaient placées sur une ligne EMI dans le tableau de la DHG présentée par la cheffe d'établissement. Cela voulait dire qu'il y aurait 2 postes de profs docs à la rentrée 2021. J'allais enfin avoir un – une collègue et le nombre de postes ouverts au CAPES a était multiplié par 100.
La proposition du ministère avait été acceptée par tous : 10h d'enseignement par poste, 10h de décompte pour préparer les cours-évaluation-rencontre parents, 10h ouverture du CDI, 6h hors établissement pour lecture-veille-lien avec extérieur. Un total de 36 heures hebdomadaires, comme les autres enseignants.
L'humiliation de la prime informatique dont nous avions été les grands oubliés en 2020 avait été effacée par un rétropédalage du ministère. Non seulement nous avions eu la prime mais nous avions eu des heures d'enseignement institutionnalisées. Et, pour accompagner le changement, tous les CDI, qui en avaient besoin, avaient été transformés afin qu'ils aient une salle de classe annexe à l'espace lecture. C'est plus compliqué pour les grands collèges où deux salles de classes sont nécessaires à côté du CDI. Ainsi, quand ma collègue fait son cours et si elle n'a pas besoin du lieu CDI, j'y accueille des élèves et je fais la gestion. Je crois que c'est cette possibilité qui a convaincu le ministère : de l'enseignement ET un CDI. En fait, la solution à notre rentrée officielle dans la DHG était purement architecturale.Pour cette 5ème rentrée, je prends, à nouveau, tous les 6° et 5°, ce qui me fait 8h hebdo. J'ai proposé 2h de projets hebdomadaires pour les élèves volontaires, ce qui fait les 10h. Ainsi, ma collègue peut prendre tous les 4° et 3° avec 2h de projets hebdomadaires en plus pour les volontaires. Nous avons 16 classes. Elle a demandé à faire une heure de Devoirs Faits en plus pour avoir 1 HSE.
Durant nos heures de cours, nous sommes libres d'enseigner seules, en lien ou pas avec un collègue lors d'un projet interdisciplinaire. Nous pouvons alterner et intervenir aussi dans une classe en même temps qu'un prof d'une autre discipline. A nous de construire, élaborer, mettre en oeuvre une EMI adaptée aux élèves et au contexte médiatique, contexte numérique et au contexte informationnel du moment. Cette liberté pédagogique n'a pas toujours été la nôtre avant 2021. Je me souviens d'une année où j'avais construit une progression EMI idéale de la 6° à la 3° et où, dépitée, je découvrais à la rentrée que les collègues n'avaient pas les classes prévues pour les projets ou qu'une collègue disciplinaire était en arrêt maladie. Certaines années, je travaillais des compétences qu'avec une partie des élèves d'un même niveau car les enseignants disciplinaires n'étaient pas sensibles aux enjeux de l'EMI et je me trouvais l'année suivante avec la moitié des classes ayant travaillé une même compétence, ce qu'aucun professeur disciplinaire ne connaissait.
D'autres fois, je me sentais inutile lorsque je faisais le bilan de mon enseignement en EMI à raison, pour certaines classes, de 3h par élèves dans toute l'année scolaire. Trois heures. Quand on sait le nombre de fois où un élève apprend à conjuguer les verbes de sa propre langue maternelle, on se doute qu'une compétence en EMI vue une seule fois dans toute une scolarité ne sert à rien.
Avant 2021, l'égalité d'accès au service public n'existait pas en ce qui concernait l'EMI. Les élèves n'avaient pas le même enseignement d'un établissement à l'autre. Les disparités étaient énormes.Au lycée, les choses sont différentes avec un quotas d'heures d'enseignement pouvant aller jusqu'à 18h sans heures de gestion du CDI. Les compétences en EMI et SNT sont plus complexes et nécessitent plus de temps de préparation de cours, plus de temps devant élèves avec des évaluations plus complexes qu'en collège. La gestion et l'animation du CDI sont centrales avec des lycéens aux goûts multiples qui s'affirment et se spécialisent. Cela a contenté à peu près tout le monde : certains qui était entrés dans le métier pour la lecture et le CDI ont demandé à être mutés en lycée pour ne faire que cela, laissant à d'autres professeurs documentalistes volontaires un temps plein d'enseignement. Il a fallu trois-quatre ans pour que tout soit réorganisé. Cette liberté de choix a été très discuté dans la profession car le professeur documentaliste est soit l'un, soit l'autre, soit les deux. Par cette possibilité, nous savions également que le ministère limitait le nombre de créations de nouveaux postes en lycée.
Et, logiquement, l'agrégation est enfin arrivée. En devenant enseignant officiellement, en ayant été enlevé de la catégorie « administration » de tous les logiciels institutionnels qui nous avaient éloignés de l'enseignement, l'agrégation a été ouverte à l'EMI.En cette rentrée 2026, je me sens fière parce que ce métier est indispensable à notre démocratie et à la liberté de décision des citoyens que je forme. Je me sens fière car ce métier est utile et reconnu. Les années de galère d'avant 2021 ne sont que mauvais souvenirs. Je n'ai plus besoin d'expliquer ce que j'enseigne ni en quoi consiste mon métier ni qu'il est indispensable, oui, vraiment indispensable. Tout le monde en est convaincu.
Cependant, je reste vigilante car je sais que rien n'est acquis.
Voir en ligne : http://docpourdocs.fr/spip.php?arti...